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LES VAGUES DU SAVOIR

25 avril 2012

Thierry Meyssan sur les tentatives de déstabilisation de la Syrie et sur l’élection présidentielle française

En 10 ans, Thierry Meysan s’est imposé comme le chef de file naturel et incontestable du courant contre-mondialiste.  En ces temps pour le moins troublés – proche d’un basculement irréversible – ses analyses sur la situation au Moyen-Orient et l’impérialisme étasunien, d’une rigueur implacable, telle une dialectique agissante, sont appelées à donner un nouveau visage à l’avenir déjà, secrètement, en marche : un avenir débarrassé de l’ennemi ontologique, de ses agences de contrôle et de ses subalternes. Dans cet entretien, réalisé la nuit dernière, Thierry Meyssan nous livre son éclairage sur les tentatives de déstabilisation de la Syrie par l’OTAN et l’élection présidentielle en France.


Mecanopolis : Thierry Meyssan, vous observez la situation en Syrie depuis plusieurs mois pour le . Que pouvez-vous nous dire des dernières évolutions sur le terrain ?

Thierry Meyssan : Durant un an, la Syrie a affronté une « guerre de basse intensité ». Des milliers de mercenaires, venant de toute la région et ayant une expérience du combat en Irak et en Libye, ont saboté les infrastructures énergétiques et de télécommunication. Puissamment armés par l’OTAN, disposant de renseignements satellitaires, encadrés par des instructeurs occidentaux, ils ont tenté de semer la terreur et le chaos en perpétrant des crimes d’une violence inouïe. Simultanément, les médias occidentaux ont inventé une histoire de révolution/répression que leurs lecteurs et spectateurs ont gobée par assimilation : le schéma tunisien se reproduirait dans tous les pays où les gens parlent arabe.

Il n’y a pas à ce jour de bilan clair des victimes. La seule source indépendante crédible à laquelle on peut se référer est la Mission d’observation de la Ligue arabe. Elle était majoritairement composée d’experts de haut niveau (officiers supérieurs et diplomates), de nationalités différentes, et a pu librement se déployer dans tout le pays. Selon elle, il n’y a jamais eu de manifestations de masse contre le régime et, partant de là, jamais de répression. Surtout, les groupes armés ont fait autant de victimes parmi les civils que parmi les forces de sécurité (armée et police). Ce constat, qui contredit les assertions des puissances occidentales et du Golfe, a été rejeté par elles, alors mêmes que ce sont elles qui avaient voulu et composé cette Mission d’observation.

La « guerre de basse intensité » a pris fin avec le retrait états-unien consécutif au double veto russo-chinois et au déploiement des armes anti-aériennes russes. L’OTAN, ayant été contrainte d’abandonner son projet de bombardement de la Syrie, n’avait plus de raison de poursuivre sa stratégie préparatoire au sol. Les derniers combattants se sont retranchés dans un quartier de Homs, où ils ont proclamé l’Emirat islamique de Baba Amr. Durant un mois, ils ont organisé un show télévisé mondial pour faire accroire que leur bastion était « pilloné » par les forces syriennes ; ce qui n’a jamais eu lieu et ne pouvait pas avoir lieu puisqu’un détachement syrien était lui-même prisonnier à l’intérieur de l’Emirat islamique. En définitive, à la suite d’un accord conclu entre Claude Guéant et le général Assef Chawkat, les instructeurs français ont quitté Baba Amr et la plupart des mercenaires se sont rendus.

Comme toujours lorsqu’une guerre est finie, il reste des individus et des groupuscules isolés, animés par un esprit de vengeance, qui causent encore des dommages à la population. Quoi qu’il en soit, progressivement tout revient à la normale. Dans quelques jours se tiendront des élections législatives pluralistes, les premières que le pays aura connues depuis un demi-siècle. Les nouveaux partis politiques découvrent la possibilité de s’exprimer à la télévision et d’animer des débats publics. En définitive, la Syrie sort de cette épreuve appauvrie, mais renforcée.

La Fédération de Russie a mis fin à la dominance aérienne des Etats-Unis et d’Israël au Proche-Orient.

Les efforts de l’OTAN pour faire tomber le régime de Bachar el-Assad ont jusqu’ici été mis en échec. Nous imaginons toutefois que cette coalition occidentale ne va pas abandonner ses projets. Quelles seront, selon vous, les prochaines actions de déstabilisation de la Syrie ?

En déployant en Syrie le système de défense anti-aérien le plus sophistiqué du monde, la Fédération de Russie a mis fin à la dominance aérienne des Etats-Unis et d’Israël au Proche-Orient. Or, la puissance des forces armées US repose principalement sur sa capacité de destruction aérienne, les forces au sol ayant montré leur incapacité à occuper un terrain. Washington n’a donc plus les moyens de sa politique.

La présence russe est massive. Il y a aujourd’hui plus de 100 000 ressortissants russes stationnés en Syrie et ce sont des militaires russes qui servent leur matériel de défense anti-aérienne.

L’équilibre stratégique s’est inversé en quelques années. Washington, qui n’avait pas réussi à entrer en guerre au Liban en 2005, y a livré une guerre par procuration en 2006, laquelle s’est soldée par la cuisante défaite d’Israël face au Hezbollah. Puis, le Pentagone a été contraint d’évacuer en 2011 les gigantesques bases militaires qu’il avait construites pour un siècle en Irak. L’OTAN vient de reculer en Syrie, et il n’est plus question d’attaquer l’Iran.

Bien plus que les Etats-Unis et Israël, ce sont les régimes arabes sionistes qui sont les grands perdants de cette nouvelle donne. Je pense particulièrement aux dictatures wahhabites d’Arabie saoudite et du Qatar. Je ne suis pas sûr qu’ils puissent survivre longtemps à leur défaite

L’OTAN n’a d’alliance défensive que le nom. En réalité, c’est une organisation de supplétifs des Etats-Unis, au service de leurs ambitions impériales.

Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots quels sont les intérêts que servent l’OTAN dans la déstabilisation de la Syrie, et quel est leur but final ?

L’OTAN n’a d’alliance défensive que le nom. En réalité, c’est une organisation de supplétifs des Etats-Unis, au service de leurs ambitions impériales. La décision d’attaquer la Syrie a été prise lors d’une réunion au Camp David, le 15 septembre 2001, juste après les attentats de New York et Washington. Elle faisait partie d’une liste de 7 objectifs, après l’Afghanistan et l’Irak, il était prévu d’attaquer la Libye et la Syrie, puis la Somalie et le Soudan, et enfin l’Iran. Les préparatifs de la guerre contre la Syrie ont débuté après la chute de Bagdad, avec le vote du Syria Accountability Act, le 15 octobre 2003. Immédiatement, les premières sanctions ont été prises. Leur prétexte était que la Force de paix syrienne déployée au Liban pour mettre fin à la guerre civile s’y éternisait. Damas a retiré ses troupes, laissant le pays du cèdre à découvert face à l’ennemi israélien, mais les sanctions ont été maintenues. Depuis, tout a été essayé pour provoquer le conflit. Souvenez-vous par exemple de la manière dont on a accusé, sur la base de faux témoignages aujourd’hui annués, le président Bachar el-Assad d’avoir commandité divers assassinats au Liban dont celui de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri. Pour juger el-Assad, les Etats de l’OTAN et du CCG ont alors financé un tribunal d’exception, dont les règles violent les principes les plus élémentaires de la Justice et du Droit international. Et ainsi de suite.

Fondamentalement, la coalition anti-syrienne unit quatre composantes.

- Les Etats-Unis veulent poursuivre le remodelage du « Moyen-Orient élargi ». Il s’agit pour eux de casser les grands Etats historiques et de leur substituer de petits Etats ethniquement homogènes, plus faciles à manipuler. Ils entendent amputer le Nord-Est de la Syrie en vue de la création d’un Kurdistan avec des éléments irakiens, turcs, voire iraniens. Et amputer la côte syrienne pour déplacer le Liban vers le Nord et offrir une partie de son territoire actuel à Israël.

- De son côté la colonie juive de Palestine vise à briser « l’Axe de la Résistance ». Il lui faut changer le régime, renverser Bachar el-Assad, au profit d’un fantoche, Burhan Galioun, dont le seul programme politique est de rompre l’alliance syrienne avec le Hezbollah et l’Iran, ainsi qu’il l’a lui-même expliqué au Wall Street Journal.

- En ce qui les concerne, les dictatures religieuses du Golfe ont, pour survivre, un besoin vital d’éliminer le modèle laïque syrien. Celui-ci est très différents de ce que nous connaissons sous le même vocable en Europe, particulièrement en France. La laïcité syrienne n’est pas une cohabitation, une tolérance, entre communautés religieuse —et encore moins un cache-nez du racisme comme elle tend à le devenir en Europe , mais une véritable coopération entre croyants pour garantir la liberté de chacun de s’épanouir spirituellement en suivant la foi de ses ancêtres.

- Enfin, les multinationales de l’énergie convoitent le gaz de la région. On a découvert des réserves considérables en Méditerranée sous la croute de sel, et dans le continent. Ces gisements sont partagés entre l’Egypte, la Palestine occupée, le Liban, la Syrie, la Turquie et Chypre, mais leur centre se trouve à Qârâ, non loin de Homs. Nous venons en fait d’assister à la première grande guerre du gaz qui préfigure de nouvelles règles géopolitiques bien différentes de celles du pétrole. C’est aussi la raison pour laquelle, les grandes puissances du gaz sont si impliquées : la Russie, l’Iran et le Qatar.

En embarquant la France dans cette aventure, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont cherché à satisfaire chacune des quatre composantes de la coalition ; Paris n’ayant aucun intérêt direct au conflit. La France a cru pouvoir jouer un rôle en tant qu’ancienne puissance mandataire, et monnayer ce rôle. Cependant, l’espoir de la victoire a laissé place à la réalité de la défaite et les Français vont être surpris de devoir payer la facture des crimes commis en leur nom.

Personne ne gouverne la Libye. Et personne ne pourra la gouverner avant longtemps.

Plusieurs mois après l’intervention de l’OTAN en Libye, pouvez-vous nous dire quelle est la situation dans ce pays, et qui le dirige ?

Personne ne gouverne la Libye. Et personne ne pourra la gouverner avant longtemps. J’avais expliqué lors de l’assassinat de Mouammar el-Khadafi, mort sous la torture un jour après l’attaque de son convoi par les Français, que la disparition du « Leader » marquait l’anéantissement de la notion d’autorité dans une société tribale. Le but recherché a été atteint : la société libyenne est détruite, comme on a détruit la société en Somalie et en Irak.

Les partisans du « remodelage » ont étendu leur stratégie à l’Afrique du Nord. La contagion gagne maintenant le Mali et menace l’Algérie.

Permettez-moi de répéter qu’il n’y a jamais eu de révolution anti-Kadhafi en Libye, qui était apprécié par son peuple et n’a jamais envisagé de le massacrer. Par contre, il y a eu une sécession de la Cyrénaïque à l’initiative de la France et du Royaume-Uni pour le compte des Etats-Unis et d’Israël. On se dirige maintenant vers une partition du pays : rétablissement de la monarchie Senussie en Cyrénaïque, installation des Frères musulmans en Tripolitaine, et repli des anti-impérialistes au Fezzam.

Le Front national a condamné les aventures militaires de Nicolas Sarkozy en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye et en Syrie, mais il entretient un flou artistique à propos des Etats-Unis et d’Israël.

En France, nous approchons du premier tour de l’élection présidentielle. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon se sont auto désignés comme les candidats de l’antimondialiste. Pensez-vous qu’ils le soient réellement ?

Si nous abordons la question des programmes politiques, nous devons la penser en termes de partis, d’équipes, et pas de personnes. A l’inverse, si nous parlons des candidats, nous devons juger leur personnalité, leur compétence et leur vertu républicaine.

Je ne doute pas que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon soient antimondialistes, mais l’important est de savoir si leurs équipes le sont. Les positions du Front national et du Front de gauche sont généralement anti-mondialistes, mais souvent ambiguës et parfois contradictoires. Seul des deux, le Front national a condamné les aventures militaires de Nicolas Sarkozy en Afghanistan, en Côte d’Ivoire, en Libye et en Syrie, mais il entretient un flou artistique à propos des Etats-Unis et d’Israël. Il est clair pour moi que le Front de gauche, malgré les efforts de son candidat, n’est pas anti-mondialiste. Je suis par contre dubitatif quant au Front national qui a soigneusement évité de clarifier en son sein cette question centrale.

Je pense comme Pierre Hillard, et certainement de très nombreux Français, que notre République n’est plus laïque, n’est plus démocratique et n’est plus sociale. Mais si nous appelons à délégitimer les institutions, nous ne pouvons en rester là. Nous devons aller jusqu’au bout : la Révolution ! Sommes-nous prêts ?

Notre ami et camarade Pierre Hillard s’apprête à lancer, dans la continuité du texte d’Adrien Abauzit,  un « appel à l’abstention » pour le deuxième tour de cette élection qui, sauf surprise, consacrera un duel entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. L’idée est de donner le moins de légitimité possible au prochain président, de sorte à pouvoir ensuite contester son autorité – qu’il ne manquera pas de mettre au service de l’oligarchie mondialiste. Seriez-vous prêt à le signer, avec d’autres intellectuels français ?

D’abord, par principe, je me refuse à discuter en public de la stratégie de second tour avant que le suffrage universel ait parlé au premier tour.

Ensuite, je pense que le passage du vote blanc à l’abstention doit être murement réfléchi. Le premier exprime un refus de légitimer le choix présenté, tandis que le second manifeste une volonté de délégitimer les institutions. Nous avons évoqué tout à l’heure la Libye. J’ai vu ce que signifie l’effondrement d’un Etat, l’anarchie que Hobbes décrivait en disant qu’elle fait de l’homme « un loup pour l’homme », et je ne souhaite pas ce genre chose à n’importe quel peuple et surtout pas au mien.

Je pense comme Pierre Hillard, et certainement de très nombreux Français, que notre République n’est plus laïque, n’est plus démocratique et n’est plus sociale. Mais si nous appelons à délégitimer les institutions, nous ne pouvons en rester là. Nous devons aller jusqu’au bout : la Révolution ! Sommes-nous prêts ?

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20 avril 2012

وليمة لاعشاب البحرلحيدر حيدر

قيل أن الأثر الأدبي الناجح هو ذلك الذي تتذكره بعد مرور السنين.  وانجذاب كبيرين.. ة، هل السبب كان موضوعها.. أو هو أسلوبها، الذي وجدته مفارقاً لأساليب الكتابة التي اعتدنا عليها عالمنا العربي.. أو لجرأتها  البوح بأسرار النفس البشرية. لعلني أخيراً،                                        ة..

أما موضوعها فهو موضوعنا جميعاً في الماضي والحاضر وللأسف حتى المستقبل المنظور على الأقل.. موضوع الاستلاب والغبن التاريخيين اللذين لحقا بنا وصارا دمغة خاصة بنا.. تارة باسم الدين والأخلاق والعادات والتقاليد، وأخرى باسم القومية والعروبة، وثالثة وليست الأخيرة باسم الثورية والماركسية.. حتى صرنا لا نميز في الحقيقة مضامين كل هذه الأشياء.. وما مدى حاجتنا لها.. إذا كنت مغبوناً، مستلباً، جائعاً، ذليلاً، منكسراً.. في الأخير مغلوباً على أمري في بلدي وبين ظهراني شعبي وناسي، وتحت كل هذه اللافتات المرفوعة، ما حاجتي لكل هذه الأشياء، وكيف لا تتحول هذه المفاهيم في ذهني إلى مترادفات لغبني وجوعي وذلي وانكساري.. أرادت الرواية أن تعالج بعض هذه المفاهيم وتضعها تحت المجهر.. والمجهر في حالتنا هو خيال الروائي فقط.. وأقول فقط، لأن الكاتب تحدث عن ملابسات تجربة هو لم يعشها، تحدث عن تجربة عراقية بحتة وهو السوري.. تجرأ في الحديث عن أغوار ومستنقعات ومشاكل جنوب العراق كما لم يجرؤ كاتب عراقي على ذلك.. مثلما تحدث عن الجزائر وثورتها المغدورة كأنه جزائري.. وهنا يكمن الإبداع الانساني، هنا يكمن الأفق اللامحدود للإبداع.. أفق الرؤية، الاستقراء.. ليعرف الإنسان في النهاية موطئ قدمه الحالي.. لقد مازج الروائي بين تجربتين تبدوان متباعدتين، تجربة ثورة انتزعت البلد من استبداد الاستعمار الفرنسي وأخرى تحاول انتزاع البلد من فك المستبد الوطني، القومي، العروبي، المؤمن..الخ التجربتان فشلتا فشلا ذريعاً:

الأولى في تحويلها الاستبداد الاستعماري إلى استبداد وطني.. والثانية فشلت في المهد لتسرعهاوانبهارها بتجارب ثورية عالمية أرادت استنساخها على عجل.. والنتيجة؟ ماذا كانت النتيجة؟ النتيجة هي الهزيمة، وهنا تدخل جرأة الكاتب في حديثه عن بواطن وكوامن الإنسان المهزوم.. ماذا يفعل مثل هذا الإنسان وهو تحت وطأة فقدان أكبر أمل في حياته.. كان (مهيار الباهلي) الشخصية العراقية الشيوعية في الرواية، و(فلة العنابية) الشخصية الوطنية الجزائرية، داخلين في نسيج تجربتيهما لحد التماهي.. ماذا ستكون ردود أفعالهما وهما يراقبان انهيار وتكركب التجربة على رأسيهما. ماذا ستكون ردود فعل المهزوم؟  ونحن يا سادتي الصارخين كلنا مهزومون، مهزومون أمام أعدائنا الخارجيين (الاسرائيليين وكل حلفائهم)، ومهزومون أمام حكوماتنا وأنظمتنا الاستبدادية المتجبرة على حياتنا ومنافذنا المنظورة وغير المنظورة.. ومهزومون أخيراً وهي الطامة الكبرى أمام أنفسنا.. هكذا بدل المقاومة للدفاع عن النفس وهو أضعف الإيمان، لجأنا إلى الانكفاء، تارة غوصاً في ماض نعتقد أنه كان باهراً لاستعادته من رفوف التاريخ.. وأخرى غوصاً في ذواتنا باحثين في مجاهلها عن تعويض ما.. ماذا سنجد في هذه الذوات غير تلك الانعكاسات الشرطية لمشاعر الكبت والحرمان التي تحاول التعبير عن نفسها بأي طريقة وبأسرع وسيلة.. ها هي ( فلة العنابية) في الرواية تلجأ إلى العهر وسيلة للنسيان، و(الباهلي) الشيوعي المهزوم يغرق في تجاربه الجنسية (عهر أيضاً) والالتذاذ عبر استعادتها كل مرة بشكل آخر لذات السبب.. النسيان. حتى يتحول النسيان الى إكسير نحاول به تضميد جراحنا وتعويض ما فاتنا.. هذا هو موضوع الرواية يا سادتي الافاضل (وأقول أفاضل لأني أفترض فيكم حقاً الدفاع عن قيم واخلاق فاضلة).

هذا هو موضوع الرواية.. لم كل هذا الصراخ؟، ألا يعد هذا مظهر آخر صارخ لحجم الخسارة التي ألمت بنا جميعاً، حين فقدنا كل وسائل المقاومة والدفاع عن النفس، ولم يتبقى في أيدينا غير اللجوء الى الصراخ والعويل والتهديد الاجوف بالويل والثبور. في حين أن أغلب أولئك الصارخين إن لم أقل جميعاً لم يقرؤوا الرواية، بل حتى لو تجرأ أحدهم وبحث عنها وقرأها تيقنوا أنه سيقرأها بذهنية المتربص الباحث عن الانتقام.. والرواية، أي رواية هي عالم مليء بالرموز والايحاءات والتشابيه والاحاجي، واخيراً التنوع وهذا هو المهم في الرواية لأنها تحاول أن تعكس الحياة، وهذه من التنوع والغنى ما يصعب على الانسان الاحاطة بكل مفرداتها، باستثناء بعض المبدعين من الفنانين والروائيين والشعراء، الذين يمتلكون حقاً ناصية الابداع، والأهم الموهبة.. سيخرج علينا المتربص بقائمة تطول من تعابير وتشابيه وألفاظ تخدش الحياء، او لا تتماشى مع الدين الحنيف، وهنا لا يسعني إلا أن احيل المتربص  والقارئ إلى اقرب سوق يصادفه في بلد عربي أو إسلامي، ليستمع ويخبرني بماذا وكيف كان يتحدث الناس في السوق..

أعتقد أنه سيسمع العجائب والغرائب، ولكل طريقته في التعبير عن نفسه وعن ما يريد قوله. وهذه العجائب والغرائب في النهاية هي مادة الروائي في حواراته، إذا أراد ان يكون صادقاً مع نفسه ومع موضوعه.

مازال عندنا للمفردة المنطوقة او المكتوبة إمتداد شخصي لا يفارقها، إلا في حالات قليلة يقف على رأسها الانتحال والنفاق والكذب.. حين يقدم لي كاتب ما عشرة شخصيات، مختلفة في الانتماءات الطبقية والفكرية والأصول البيئية، ويجعلهم جميعاً يتحدثون بلغة أهل الفقه.. هذا هو النفاق والكذب، وهو الفشل بعينه لهذا كاتب. كيف يستطيع الكاتب ان يقفز على كل فخاخ اللغات واللهجات المستخدمة في حواراته، حديث الرجل المدني لا يشبه حديث الفلاح، والرجل الأمي لا يستخدم مفردات الطالب، وغير المتدين لا يتحدث كما يتحدث الفقيه. ماذا نتوقع ان تكون لغة (فلة العنابية) الوطنية سابقاً والعاهرة حالياً، بالتأكيد سنجد لديها طريقة تعبير خاصة، ومفردات خاصة لا نجدها عند إمرأة اخرى..

كذلك هي مفردات الرجل غير المتدين لنقل هنا الشيوعي، له طريقة ومفردات خاصة به لا تشبه بالقطع مفردات وطريقة تعبير رجل الدين الورع.. وهنا باعتقادي تكمن مهمة الكاتب المبدع .. كيف يكون صادقاً في موضوعه ومع شخصياته.. لهذا أقول في الاخير أما ان نستوعب الرواية كما هي كفن إنساني، له فضاؤه الخاص ووسائله الخاصة في التعبير، وبالتالي له حريته اللامحدودة في تناول الموضوع، وفي الطريقة التي يختارها الكاتب.. أو ان نقترح إلغاء الرواية من قاموسنا الأدبي والسلام، لأن ما يسعى إليه الأوصياء حراس الآداب والأخلاق والدين (من أجل رواية عاقلة ومؤدبة وشطورة)، هو نسف للرواية كفن إنساني يحاول عكس واقع صراع الإنسان ضد كل ما يقيد حريته .

وبعد أن يستتب الأمر لحراس الأخلاق من خلو الساحة من الروايات المشاغبة. اقترح عليهم المناداة علنا وجهراً من أجل لجم الفن التشكيلي، لأن هذا الفن مبتلي من بين ما مبتلي به بالتعامل مع الجسد الإنساني، والذي لحظه العاثر لا يقدمه في الغالب إلا بدون حجاب وحتى عارياً، والشعار سهل وجاهز (من أجل فن تشكيلي عاقل ومؤدب ويسمع الكلمة)، في الأصل وحسب كثير من مدارس الفقه الإسلامي يعتبر الرسم من المحرمات، لأنه يحاول التشبه بالخالق، حين يتلاعب الرسام والنحات بمخلوقاته، يعجنها ويشكلها على هواه ليجعلها تنطق في النهاية بما يريد هو. لنقترح بعدها إلغاء الشعر الحديث، الذي لم يكتف بتجاوز العروض والقوافي، بل أخذ يتمادى كثيراً في تشبيهاته واستعاراته التي لم يسلم منها حتى المقدس. هكذا نكون قد مهدنا الساحة للعودة الى العهد الذي عاش فيه النبي محمد ونشر دعوته.. والذي كان عهداً خالياً من الرواية والفن التشكيلي، ومقتصراً على الشعر الذي نسميه الان (القديم)، وحتى هذا قد هجاه النبي.

. على الاقل كنا فيه أسياد الكون (الكون المعروف آنذاك)، لكن السؤال هو: هل هذا ممكن.. هل نحن قادرون حقاً على الهرولة مسافة 1400 سنة الى الوراء، لا لشيء إلا لأننا لا نستطيع العيش في عصرنا الراهن مع حفاظنا على ديننا وإيماننا.. وأي دين هذا الذي يدفعنا إلى كل هذا الولوج في الماضي فقط لنعبر عن التزامنا به؟؟ أليس بإمكان الإنسان المسلم، أن يعيش عصره بكل ملابساته التقنية وغير التقنية ويظل مسلماً، لان الاسلام بالاضافة الى كونه بعد روحي مطلوب للأنسان، هو أيضاً موقف، فلسفي وفكري من الحياة بكل تنوعاتها، والموقف أي موقف يفترض مسبقاً انه سيواجه مواقف اخرى، مضادة، معادية، مؤيدة، واستمراره من خلالها او رغماً عنها يتأتي من قوته ومدى انسجامه مع الواقع وحاجات الناس اليه، وأنا ما زلت هنا اتحدث عن مجرد التعايش ولا أقول المساهمة في الثورة العلمية والتقنية الحاصلة امام أنظارنا.. وهذا هو المطلوب بالتأكيد. من المخجل ان نواصل نفاقنا الى ما لا نهاية.. نظل مستهلكين تابعين لكل حسنات التكنولوجيا والعلم، وفي نفس الوقت نلعن العلم والتكنولوجيا والغرب الذي جلبها لنا كل ساعة.. متى نحاول الرجوع للعقل والحكمة في معالجة مشاكلنا، بدل الحنين إلى ماضي لا يمكن إستعادته، لأنه ماضي مضى وانقضى.. متى يتحرر نقدنا للآخر من مثلبة الإلغاء، بدل النيل من الأفكار التي يراد نقدها، الفكر بالفكر، الكتاب بالكتاب، القصيدة بالقصيدة، الرواية بالرواية، إلى متى نستسهل الحلول ونختصر المسافات للوصول إلى أهدافنا، في وقت نشاهد ونلمس ونتأكد يوماً بعد آخر إننا بهذه الوسائل نعقد مشاكلنا ولا نختصر المسافات

 

                                                                         تحميل رواية وليمة لأعشاب البحر – حيدر حيدر

  رواية وليمة لأعشاب البحر (غير معروف, 1,063 مرات)

 

20 avril 2012

اللص و الكلاب لنجيب محفوظ

رواية "اللص والكلاب "تقوم علي خط الصراع الأساسي بين "اللص والكلاب" أو سعيد مهران والمجتمع. وهذا الخط يلعب دور العمود الفقري الذي يربط أجزاء الرواية منذ أول سطر إلي آخر سطر nejib mahfoudhفيها، فلا يتكلف نجيب محفوظ مقدمات لتقديم شخصياته ولكنه يدفع بالقارئ فورا إلي الموقف الأساسي في الرواية ويمكن للقارئ أن يضع يده علي الخيط الأول وبذلك لا يحس بأنه يوجد هناك حاجز بينه وبين العمل الفني.

تصور رواية "اللص والكلاب" شخصية سعيد مهران بأنه لص خرج من السجن صيفا بعد أن قضى به أربعة أعوام غدرا لينتقم من الذين اغتنوا على حساب الآخرين، وزيفوا المبادئ، وداسوا على القيم الأصيلة لكي يجعل من الحياة معنى بدلا من العبثية ولا جدواها. وهكذا قرر أن ينتقم من هؤلاء الكلاب إلا أن محاولاته كانت كلها عابثة تصيب الأبرياء وينجو منها الأعداء مما زاد الطين بلة. فصارت الحياة عبثا بلا معنى ولا هدف، ولقي مصيره النهائي في نهاية الرواية بنوع من اللامبالاة وعدم الاكتراث ولم يعرف لنفسه وضعا ولا موضعا، ولا غاية وجاهد بكل قسوة ليسيطر على شيء ما ليبذل مقاومة أخيرة، ليظفر عبثا بذكرى مستعصية، وأخيرا لم يجد بدا من الاستسلام، فاستسلم.

20 avril 2012

أولاد حارتنا لنجيب محفوط


nejib mahfoudh

كانت أولاد حارتنا أول رواية كتبها نجيب محفوظ بعد ثورة يوليو إذ انتهى من كتابة الثلاثية عام 1952 وبعد حصول ثورة يوليو رأى ان التغيير الذي كان يسعى اليه من خلال كتاباته قد تحقق فقرر ان يتوقف عن الكتابة الادبية وعمل كاتب سيناريو فكتب عدة نصوص للسينما. لكن بعد انقطاع دام 5 سنوات قرر العودة للكتابة الروائية بعد أن رأى ان الثورة انحرفت عن مسارها فكتب أولاد حارتنا التي انتهج فيها أسلوبا رمزيا يختلف عن أسلوبه الواقعي وقد قال عن ذلك في حوار :”.. فهي لم تناقش مشكلة اجتماعية واضحة كما اعتدت في اعمالى قبلها.. بل هي اقرب إلى النظرة الكونية الإنسانية العامة.” ولكن لا تخلو هذه الرواية من خلفية اجتماعية فرغم أنها تستوحي من قصص الانبياء إلا أن هدفها ليس سرد حياة الانبياء في قالب روائي بل الاستفادة من قصصهم لتصوير توق المجتمع الإنساني للقيم التي سعى الانبياء لتحقيقها كالعدل والحق والسعادة وتلك هي فالرواية نقد مبطن لبعض ممارسات الثورة وتذكيرا لقادتها بغاية الثورة الأساسية وقد عبر محفوظ عن ذلك بقوله:”فقصة الأنبياء هي الإطار الفني ولكن القصد هو نقد الثورة والنظام الإجتماعى الذي كان قائما.”ا

20 avril 2012

Le liseur - Un roman de Bernhard Schlink

liseurHanna, face à ses juges, pose cette question : et vous, qu'auriez-vous fait à ma place ? Le personnage du roman de Bernhard Schlink fût gardienne dans un camp de concentration nazi et peu de temps avant la fin du conflit mondial, elle se fait complice par sa passivité d'un acte de sauvagerie. C'est pour cette raison qu'elle se retrouve devant la justice de son pays quelques années après l'anéantissement du troisième Reich. Sa défense devant la Cour est chaotique jusqu'à ce qu'elle choisisse d'interpeller le président du Tribunal en le questionnant sur l'attitude qu'il aurait adopté s'il s'était trouvé à sa place. En agissant de la sorte, Hanna met surtout en avant la responsabilité de l'individu lorsqu'il est pris dans un système collectif voué à la barbarie. La société allemande fût en effet conduite par des loups qui plongèrent le troupeau dans les ténèbres. Hanna comme tant d'autres s'abandonna au drame qui se préparait. La résignation n'est cependant pas un délit et la désobéissance civile encore moins un acte spontané. Hanna, en interrogeant un seul homme, s'adresse pourtant à tout le monde, notamment aux jeunes gens, ceux qui n'ont pas connu ou très peu l'agonie d'un monde civilisé. Quelle aurait-été notre façon d'agir si nous-même avions été précipités dans ces heures sombres de l'Histoire ? Que pouvait-elle faire, elle, simple citoyenne ordinaire dans un environnement où tout s'écroulait ? Happée par la fureur ambiante, elle ne sût s'opposer. Peut-être n'en avait-elle pas la stature, ni l'envie, sans être pour autant fanatisée par le national-socialisme. Emportée par les évènements, le courant l'amena là où seule, elle ne serait jamais allée en temps de paix. Hanna essaie donc de se poser en victime, bien qu'elle ait commis l'irréparable, non par conviction mais de par sa fonction. Elle n'eût à aucun moment l'ouverture d'esprit suffisante pour contrevenir aux ordres et prendre l'initiative d'un acte d'humanité. Lorsque tout n'est qu'enfer et brûlures de la terre, la lumière peut être bien trop diffiçile à entrevoir. Soit le courage est dans les trippes et peu importe que l'esprit soit ou non éclairé, soit l'idée l'emporte sur tout le reste et alors s'allume la flamme de la résistance. Hanna n'est certainement pas courageuse. Elle n'est pas non plus éclairée. Elle est analphabète, ce qui n'excuse rien mais la déssert. Sa vie, en plus d'être prise dans un étau, est également l'histoire d'une honte personnelle. Il est insupportable pour Hanna qu'elle ne sache ni lire, ni écrire, et toute son existence est une fuite pour soustraire son illétrisme au jugement des autres. Cette échappée est sa préoccupation essentielle, plus forte que tout, jusqu'à être maîtresse de son sort. En effet, reconnaître lors du procès son analphabétisme lui aurait permis de rétablir la vérité sur l'étendue de sa responsabilité quant aux actes qui lui sont reprochés. Mais la fierté l'emporte et elle se laisse condamnée à une peine plus lourde que son forfait ne l'exigeait.

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20 avril 2012

L'insoutenable légèreté de l'être - Un roman de Milan Kundera

kanderaLa condition humaine ne nous laisse pas la possibilité de tester un à un les choix qui nous sont offerts lorsqu’une prise de décision s’avère nécessaire. Il nous faut adopter une voie et une seule, y compris celle de ne rien faire, sans dans l’absolu en connaître le résultat ou en ayant eu la capacité en amont de la prise d’initiative, de comparer les conséquences de chaque position envisagée. L’existence est une succession de bonds en avant, de prises de risques sans détenir la certitude d’avoir pu apprécier toutes les répercussions de nos actes. Cet état d’incertitude est caractéristique d’une légèreté car il engage profondément nos vies vers telle ou telle direction bien que nous ne disposions pas de toutes les cartes, et ainsi impacte lourdement notre être, ce qui lui vaut également d’apparaître comme insoutenable. Le considérer d’ailleurs comme tel et s’en faire l’écho peut être paralysant jusqu’à être un poids, une pesanteur qui altère la liberté qui nous a été donnée. Les personnages du roman de Milan Kundera, même si certains flirtent avec la désinvolture, sont tiraillés dans cet espace décisionnel qui leur appartient sans qu’ils l’aient totalement désiré. L’amour, qu’il soit simplement physique ou entier, est le foyer central où s’emmêlent les arbitrages qui conditionnent notre parcours. Dois-je retrouver celle qui me plaît et abandonner par la même occasion la situation que je me suis construit avant de la rencontrer, s’interroge au début du roman l’un des héros principaux. Mon obstination d’être ensembles a bousculé la vie de mon compagnon, lui répond sa bien aimée à la fin de l’histoire. Si leur relation s’était éteinte, l’existence de l’un et de l’autre eût été totalement différente. L’enjeu est donc astronomique car la mort ne me laisse qu’une seule et unique issue. Je peux certes imaginer d’autres vies futures pour me rassurer ou au contraire envisager l’éternel retour nietzschéen pour apprécier la trajectoire exclusive de mes choix et ainsi agir en tant qu’individu averti. A chacun ses croyances ou idées pour alléger son fardeau et ainsi rendre soutenable la légèreté de l’être.

20 avril 2012

La confusion des sentiments - Un roman de Stefan Zweig

confusion_des_sentimentsLa passion est parfois comme une vague furieuse emportant tout. L’eau est l’élément le plus envahissant qui soit ; la passion l’est tout autant à propos de l’âme. On lui oppose la raison, mais celle-ci est comme ces digues fragiles qui ne retiennent qu’un temps l’inondation inéluctable. La raison est nécessaire mais elle ne peut pas tout. Le doit-elle d’ailleurs ? Peut-être que non. N’est-il pas mieux que de se laisser emmener par un courant passionnel de sorte que la lame de fond soit bien plus un élan originaire irriguant l’existence ? Passion à l’origine de tout, et pourquoi pas y compris des calculs raisonnés et des considérations raisonnables, tel est semble-t-il le propos de Stefan Zweig tenu dans son roman, La confusion des sentiments. L’auteur y écrit notamment la chose suivante : « Toujours on reconnaît chaque phénomène, chaque individualité dans ce qui en est la flamme, dans la passion. Car tout esprit vient du sang, toute pensée de la passion, toute passion de l’enthousiasme. » Zweig propose ainsi une direction, un sens pour l’existence. Cette direction, c’est celle empruntée par Roland, le personnage principal qui, au seuil de sa carrière universitaire, devant la reconnaissance que lui manifestent ses élèves en célébrant en lui l’homme de savoir, se souvient qu’il est devenu ce qu’il est en s’enthousiasmant d’abord jusqu’à se passionner sans limite avec celui qui devint son maître. Mais la passion n’est pas qu’un tremplin existentiel, elle est également libre de celui qui la porte. Elle ne se laisse guère contrôlée. Roland est passionné sur un plan spirituel, pour son maître il en est différemment à son égard. Leur relation est intense mais cette intensité n’a pas le même objet pour l’un et l’autre. Cet écart crée de la souffrance car il empêche tout accomplissement chez le professeur et l’élève. Ce dernier reste en effet sur un goût d’inachevé, avant tout par l’attitude étrange et versatile de son maître à son encontre. En outre, l’esprit, même s’il se repaît de savoirs divers et variés, ne peut se satisfaire charnellement comme il en va de l’amour physique ; la jouissance n’est que partielle. Mais la passion est bien plus douloureuse quand elle concerne des sentiments amoureux qui jamais ne se partageront avec l’être aimé. Cette douleur vient du refus condamnant la passion sans la faire disparaître. Roland et son maître n’ont eu de commun qu’un enthousiasme pour les lettres, enthousiasme versant l’un et l’autre dans des passions différentes et dès lors inconciliables. Avec La confusion des sentiments, Stefan Zweig nous fait comprendre que la passion c’est la vie, avec tous les soubresauts dont elle est responsable, créatrice et destructrice comme elle peut l’être, tout ceci faisant la richesse de l’existence. Sans passion, nous serions bien pauvres.

20 avril 2012

Si c'est un homme - Un livre de Primo Levi


147230Il est des témoignages inqualifiables, si ce n’est d’être essentiel pour perdurer à jamais. Celui de Primo Levi, qui est le sujet du livre Si c’est un homme, fait partie de ceux-là. L’auteur témoigne de son expérience à Auschwitz durant la Seconde guerre mondiale. Son récit est à mettre entre toutes les mains tant il est impératif d’avoir connaissance de ce fût la barbarie nazie dirigée contre bon nombre de pollutions dans les camps de concentration et d’extermination. Témoigner fût et reste la plus grande victoire de ceux qui survécurent à l’entreprise monstrueuse, la solution finale, montée par le national-socialisme allemand. Nous nous devons, en qualité d’homme, de recevoir ces témoignages, une fois au moins dans son existence. Et Primo Levi nous le permet, d’autant mieux que son vécu est raconté de façon dépassionnée, conférant à son récit une portée universelle. Il n’est pas question, avec l’auteur, de comprendre comment fût possible un massacre organisé de millions de personnes en moins d’une décennie. Le sujet n’est pas non plus d’analyser les mécanismes qui servirent à industrialiser un génocide. Avec Primo Levi, le quotidien du camp d’extermination, le Lager, est restitué de manière simple et factuelle pour que le lecteur distingue clairement ce que dont l’homme est capable à l’extrême. Si c’est un homme est l’histoire vraie d’hommes héritiers d’une des civilisations les plus raffinées qui pourtant devinrent les plus monstrueux des individus, cherchant à liquider toute humanité chez d’autres hommes. Ils y parvinrent en employant la chambre à gaz et l’esclavage. A Auschwitz, le prisonnier n’est plus rien. Il n’a plus aucun statut. Même toute force de travail n’est pas reconnue pour échapper à une décision aussi arbitraire qu’absurde condamnant à mort. L’existence n’est plus à Auschwitz ; ce qui subsiste ne sont que des corps décharnés se mouvant automatiquement. L’esprit est néantisé. Les hommes sont déjà morts lorsqu’ils ne sont plus que des rouages. Pourtant, une résistance est possible face à la barbarie industrielle et à la déshumanisation organisée, soit de rester conscient. Mais ce peu de conscience a un prix, celui de la souffrance. Souffrir, c’est rester homme contre les bourreaux, au contraire d’une indifférence absolue de soi. Souffrir, c’est se conserver en tant que personne, donc dans son entièreté parce qu’aucune personnalité n’est quantifiable, et ainsi c’est se refuser à devenir ce qu’ils veulent que vous soyez : une unité. Souffrir enfin, c’est se souvenir qu’autre chose existait avant que d’avoir mal et qu’ainsi demain peut ne pas être aujourd’hui, et qu’il ne le sera plus jamais à condition que ces jours de souffrance ne tombent pas dans l’oubli. Oublier ce qui se passa dans les camps d’extermination serait une victoire posthume de la barbarie nazie contre l’humain. Primo Levi en ce sens est héroïque, en offrant à celui qui veut l’entendre le moyen d’accomplir son devoir d’homme, et donc d’entretenir avec lui cette humanité qui nous caractérise.

20 avril 2012

La mort selon Sade...ou lorsque le Marquis se trompe à propos de la nature


sadeSade nous dit, dans Histoire deJuliette, ou les Prospérités du vice, que la mort n’existe pas, qu’elle est un produit de l’imagination : « A cet instant que nous appelons la mort, tout paraît se dissoudre ; nous le croyons, par l’excessive différence qui se trouve alors entre cette portion de matière, qui ne paraît plus animée ; mais cette mort n’est qu’imaginaire, elle n’existe que figurativement et sans aucune réalité. » Le Marquis de Sade est matérialiste. Selon lui, l’homme est un assemblage de matière dont la fin, que l’on identifie communément sous le nom de mort, est une dissolution et non une disparition. Autrement dit, la matière reste la matière, seule la forme change par un mouvement nécessaire de la nature : « Ô Juliette ! Ne perdez jamais de vue qu’il n’y a point de destruction réelle ; que la mort elle-même n’en est point une, qu’elle n’est, physiquement et philosophiquement vue, qu’une différente modification de la matière dans laquelle le principe actif, ou si l’on veut, le principe du mouvement, ne cesse jamais d’agir, quoique d’une manière moins apparente. » Il y aurait donc dans la nature de l’éternel, et notre existence en serait un des états parmi d’autres. Avec cette proposition, Sade innocente aussi le meurtre en le mettant sur le même plan que la naissance. La mort n’existant pas, son contraire disparaît avec elle : « La naissance de l’homme n’est donc pas plus le commencement de son existence, que la mort n’en est la cessation ; et la mère qui l’enfante ne lui donne pas plus la vie, que le meurtrier qui le tue ne lui donne la mort : l’une produit une espèce de matière organisée dans tel sens, l’autre donne occasion à la renaissance d’une matière différente, et tous deux créent. » Certes, on peut reconnaître que le corps est de la matière agencée et organisée qui, un jour, se désorganise, se désagrège, pour se disperser dans la nature et participe ainsi à la continuité de celle-ci. Mais il y a bien dans cette organisation corporelle un esprit dont la plus grande force, mais aussi sa faiblesse la plus essentielle, est de se connaître lui-même. Que cet esprit soit une production matérielle ou alors est totalement indépendant de l’enveloppe corporelle, peu importe ; nous pouvons admettre qu’il disparaît, et même dans l’hypothèse où ceci ne serait pas vrai absolument, il y a bien une disparition de l’esprit du défunt pour les vivants. Sade dans son propos n’envisage pas l’absence pour ceux qui restent. Qu’une conscience perdure dans chaque grain de poussière, le monde vivant ne la reconnaît pas, ni ne l’entend dans la matière réorganisée. Mais Sade ne s’arrête pas à son intuition à propos de la mort imaginée. Sa réflexion le conduit à prendre une position morale. D’après lui, la loi est dans la nature et celle-ci ne connaissant ni mort, ni vie, le meurtre commis par la main de l’homme ne contrevient pas à son empire : « […] qu’importe le changement que je fais aux modifications de la matière ? Qu’importe, comme dit Montesquieu, que d’une boule ronde j’en fasse une carrée ? Qu’importe, que je fasse d’un homme un chou, une rave, un papillon ou un ver ? Je ne fais en cela qu’user du droit qui m’a été donné, et je puis troubler ou détruire ainsi tous les êtres, sans que je puisse dire que je m’oppose aux lois des règnes, par conséquent à celles de la nature. » Mieux selon Sade, non seulement je ne puis être coupable en tant que meurtrier, mais je rends service à la nature en agissant de la sorte : « Je le sers, au contraire, et les unes et les autres ; les premières, en donnant à la terre un suc nourricier qui facilite ses autres productions, qui leur est indispensable, et sans lequel ses productions s’anéantiraient ; les secondes, en agissant d’après les vues perpétuelles de destruction que la nature annonce, et dont le motif est d’être à même de développer de nouveaux jets, dont la faculté devient nulle en elle , par la gêne où le tiennent les premiers. » La nature aurait dont besoin de destruction pour se maintenir, et en éliminant autrui je participerai de la satisfaction de ce besoin. Seulement voilà, le Marquis oublie que l’homme n’existe pas seulement dans et pour la nature, mais également pour lui-même. Bien-sûr l’être humain est d’origine naturelle, mais son humanité ne l’est pas. En outre, la nature n’est ni bonne, ni mauvaise. Le choix n’appartient pas à la nature. Il est une faculté de la conscience. La nature est un monde de fait, non de droit.

20 avril 2012

Le livre de ma mère - Un récit d'Albert Cohen

livre de ma mereMaman morte, c’est l’enfance qui disparaît à jamais, qui tombe subitement comme un oiseau dont le vol s’arrête pour toujours. Maman morte, l’enfant n’est plus du tout, parce que de son vivant elle portait avec elle un peu de cette enfance de celle ou celui dont les années l’ont fait adulte. Le regard d’une mère sur sa progéniture change certainement au fil des ans, mais il n’en conserve pas moins une part irréductible de cette attention maternelle dévolue à l’enfant et qui d’ailleurs le constitue. C’est peut-être ce qui dérange parfois cet homme pressé, ou qui se pense aguerri, lui dont les ailes ne sauraient supporter aucune charge, y compris affective, pour faire tout ce qu’il estime devoir accomplir afin de se sentir être quelqu’un. Cet homme s’éloigne alors pour ne pas avoir à répondre à cette mère qui le considère, attendrie, mais n’en est pas moins interrogative quant à son existence. C’est en empruntant les yeux de maman que l’enfant questionne l’adulte qu’il est devenu : qu’as-tu fait de mon enfance ? Maman regardant tendrement cet homme qui s’ébat quotidiennement, c’est aussi l’innocence de l’enfance que cette mère porte toujours en elle, qui se fait le miroir des petites lâchetés de celui-ci. Qu’il est donc difficile de soutenir ce regard maternel. On le craint. On s’en éloigne pour aller s’abrutir ailleurs. On ne se doute malheureusement pas qu’il est si précieux, et l’on passe à côté. Ce n’est qu’une fois maman morte que toute la valeur de son attention à notre égard nous éclate à la figure. Mais il est trop tard. Ne restent que des morceaux de ce miroir qui désormais sont définitivement des souvenirs, ce que nous dit Albert Cohen dans Le Livre de ma mère.

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